WILLIAM YOAKIM, étudiant au doctorat
YVON LEMAY, professeur agrégé
CHRISTINE DUFOUR, professeure agrégée
Créer, évaluer, préserver, éliminer et exploiter des documents, telle est une partie des tâches effectuées quotidiennement par les archivistes du monde entier. Bien réalisées, ces actions contribuent à préserver la mémoire de familles, d’entreprises, de villes, de régions, de pays, et, d’une certaine manière, de l’humanité. Les archivistes doivent, afin de développer une rigueur de travail exemplaire, se doter de règles, mais également d’outils qui viendront les épauler dans l’accomplissement de leur mission. Dépositaires d’une science évoluant, s’adaptant et, parfois, subissant l’histoire des hommes, les responsables de services et de centres d’archives ne cessent de prodiguer aides et conseils aux créateurs de documents. Parmi ces recommandations, l’utilisation d’un plan de classification et d’un calendrier de conservation, permettant respectivement une meilleure identification et conservation de la production documentaire, est continuellement prônée. Quand ils sont bien réalisés, ces deux outils de gestion sont considérés comme constituant la base d’un traitement optimal et réfléchi des documents produits. Il n’est donc guère surprenant de voir Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) en faire la promotion auprès des organismes publics : « Avec le plan de classification, le calendrier de conservation constitue un des éléments de base de la saine gestion documentaire d’un organisme public. » (BAnQ, s. d.)
Face à ces recommandations du milieu archivistique, il est légitime et pertinent de se questionner sur la gestion des documents directement produits et/ou reçus par les services et centres d’archives. Les responsables de ces derniers utilisent-ils les mêmes outils qu’ils recommandent ? Comme le démontrent certains ouvrages consacrés à la gestion des centres d’archives, tels que Keeping Archives de l’Australian Society of Archivists (Ellis, 1993), ces derniers doivent continuellement gérer et produire de nombreux documents afin d’assurer une saine gestion de ceux dont ils ont la charge. Malheureusement, comme l’affirme Jacques Grimard dans La gestion d’un centre d’archives : Mélange en l’honneur de Robert Garon :
La gestion de l’information, des documents, des archives mêmes nécessaires au fonctionnement des institutions ou services d’archives ou de gestion des documents n’a pas fait l’objet de recherche ni de réflexion très poussée. (Gagnon-Arguin et Grimard, 2003, p. 123)
Ainsi, à la certitude quant à la quantité importante de documents produits et/ou reçus par les services et les centres d’archives, s’oppose une absence remarquée de la littérature secondaire sur ce sujet. Immanquablement vient alors la question de savoir si les services et centres d’archives assurent la préservation de leur patrimoine documentaire de manière aussi efficace que celle qu’ils prônent et mettent en place pour les autres producteurs de documents. Les archivistes du futur pourront-ils trouver suffisamment de ressources lorsqu’il s’agira de s’interroger sur la gestion des services et centres d’archives de la fin du XXe et début du XXIe siècle ?
C’est afin de répondre aux nombreuses interrogations relevées ci-dessus qu’une enquête exploratoire, ayant pour objectif de saisir et de décrire un domaine encore peu exploré dans la littérature (Fortin et Gagnon, 2016, p. 69), a été menée en 2016. Le but principal a été d’identifier le traitement des documents produits et/ou reçus par les services et les centres d’archives du Québec dans le cadre de leurs activités. Ces derniers utilisent-ils un plan de classification et/ou un calendrier de conservation regroupant de manière exhaustive leurs documents de gestion et de fonction ou d’exploitation ?
Grâce à un questionnaire auto-administré et en ligne, plus de quatre-vingt-dix (46) centres d’archives dans la liste des membres du Réseau des services d’archives du Québec (RAQ) ont été contactés et plus de 40% de ces derniers nous ont fourni des réponses complètes et exploitables. Elles révèlent que même si l’existence d’un plan de classification et d’un calendrier de conservation semble, d’un premier regard, être acquise pour la majorité des services et centres d’archives interrogées, ces outils ne sont pas sans lacune et indiquent un problème général de préservation des documents produits et/ou reçus par les services et centres d’archives du Québec.
La méthodologie de travail mise en place, mais également les nombreux résultats obtenus dans le cadre de cette enquête sont disponibles dans Papyrus, le dépôt institutionnel de l’Université de Montréal.
Sources consultées:
- BAnQ. (s. d.). Calendrier de conservation.
- Ellis, J. (dir.). (1993). Keeping archives. Victoria, Australie : D.W. Thorpe ; Australian Society of Archivists Inc.
- Fortin, M.-F. et Gagnon, J. (dir.). (2016). Fondements et étapes du processus de recherche. Montréal, QC : Chenelière éducation.
- Gagnon-Arguin, L. et Grimard, J. (dir.). (2003). La gestion d’un centre d’archives : mélanges en l’honneur de Robert Garon. Québec, QC : Presses de l’Université du Québec.